théâtre documentaire et politique
D'UN RETOURNEMENT
l'autre
Dans une farce furieusement bouffonne et critique, le célèbre économiste Frédéric Lordon met la crise financière en alexandrins.
Sur scène : son Altesse le président de la République, ses courtisans, et surtout les banquiers. Ceux-ci, lessivés par la crise des Subprimes, viennent pleurer misère auprès de l’Etat : il s’agit de sauver le système, et d’abord ses élites. On les verra rivaliser de cynisme et de bêtise, alimenter toujours plus follement le maelström de la finance sans craindre d’essorer l’économie, et le peuple avec elle. Le peuple ? On ne le voit guère, on n’y songe pas davantage, mais aux fenêtres de l’Elysée, on finira par l’entendre, quand s’annoncera enfin son grand retournement...
De cette satire politique, ADA-Théâtre propose une version musicale, qu’on pourrait si ça nous chante rebaptiser L’opéra de quat’ milliards de sous...
Il s’agit cette fois de remonter aux causes du désastre en allant visiter les étages supérieurs de la pyramide sociale – ceux du pouvoir. On y voit les puissants à l’œuvre, dans leur présidentiel cabinet, concevant et entretenant la folle machine financière qui nous essore et menace de nous noyer complètement dans le naufrage économique...
Ce point de vue est le meilleur endroit pour comprendre comment le délirant phénomène des Subprimes et sa gestion calamiteuse par les élites ont conduit aux politiques de rigueur qu’on prétend aujourd’hui nous faire avaler de force – jusqu’à ce que les colères populaires n’embrasent tout un pays, comme la Grèce aujourd’hui (et la France, demain ?).
Le choix de l’auteur d’une écriture en alexandrins, par elle-même puissamment musicale, invite évidemment à ce traitement décalé, non naturaliste, et nous pousse même à proposer une version quasi-opératique de la pièce : il s’agit de traiter le texte comme un livret pour un opéra contemporain, avec de nombreux airs chantés (sur une musique originale de Ludovic Lefebvre), alternant avec les passages dialogués. Une forme d’Opéra de quat’ milliards de sous, en somme, faisant écho à l’Opéra de Quat’sous dont le Cabaret Beau Joueur était déjà inspiré... Manière de s’inscrire dans une tradition brechtienne dont la pièce de Frédéric Lordon, par sa vocation didactique, sa puissance critique, et son inclination subversive, est déjà profondément nourrie...