Une compagnie indépendante
La démarche de la compagnie ADA-Théâtre consiste à proposer un théâtre soucieux de penser le monde contemporain avec exigence et passion : elle procède d’un « théâtre politique ». « Politique », dans le sens où il s’agit de travailler sur les structures de notre monde contemporain, dans une quête d’émancipation qui ne se contente pas de slogans réducteurs ou de jérémiades contre-productives. Le plateau est pour nous le lieu de la « réflexion » du monde, non pas seulement comme miroir mais comme dispositif permettant sa pensée: un espace d’expérimentation qui permet de se réapproprier nos formes de vie en les refigurant par le jeu.
Nos positions politiques, notre geste parfois inclassable, nos profils hors-cadre, notre dégoût pour les pince-fesses... Bien des hypothèses se présentent pour expliquer que nous n'ayons jamais été soutenus par la puissance publique. Depuis plus de vingt ans que nous nous produisons à Paris, la DRAC et la Ville de Paris ont toujours refusé de nous octroyer des subventions. Aussi fonctionnons-nous à la débrouille, à l'artisanat précaire, dans les marges du système qui nous donnent toutes les libertés - sauf celle d'être riche. Les gestes de mécenat sont toujours les bienvenus : ils sont un moyen de flécher la dépense publique puisque les 2/3 de votre don vous sont reversés en crédit d'impôt. Manière de braquer des subsides sans être hors-la loi. Alors n'hésitez pas : faites un don !
Trajectoire
La compagnie ADA-Théâtre est née en 2003, avec la création de Top Dogs d’Urs Widmer à Gare au théâtre (festival "Nous n’irons pas à Avignon"). La pièce, dressant le portrait de cadres supérieurs anéantis par leur licenciement suite à une restructuration d’entreprise, posait déjà les éléments constitutifs du projet ADA : théâtre contemporain, sensible à la violence du monde contemporain, notamment celle qui a trait à son organisation économique, pour le fond. Pour la forme, refus du naturalisme, recherche d’une distanciation et d’une stylisation à la fois ludique et critique.
Top Dogs, Cie ADA-Théâtre, 2003 © Sebastiao Tukudiau
C’est dans cette veine que sont venus s’inscrire les spectacles suivants. D'abord Cabaret Beau Joueur, en 2010, qui évoquait les vies malmenées par l’idéologie absurde de la «valeur travail» dans une économie vouée à produire du chômage...
Printemps 2007 : des artistes du dimanche et des jours fériés se retrouvent dans une cave pour monter un cabaret qui relève le défi lancé par le camp de la victoire : « Soyez beaux joueurs ! ». Eh bien chiche : voyons un peu comment on peut se prendre le réel en pleine poire, et se la fendre malgré tout… Un spectacle musical, parlé, chanté, dansé, avec un pianiste et plein de cravates.
Cabaret Beau Joueur, Cie ADA-Théâtre, 2010 © Julie Simidoff
D'un retournement l'autre, de Frédéric Lordon, par la Cie ADA-Théâtre, © Raphaël Schneider
En 2012 c'est D’un retournement l’Autre, de Frédéric Lordon, comédie en alexandrins sur la crise financière. Sur scène, son Altesse le président de la République, ses courtisans, et surtout les banquiers. Ceux-ci, lessivés par la crise des Subprimes, viennent pleurer misère auprès de l’Etat : il s’agit de sauver le système, et d’abord ses élites. On les verra rivaliser de cynisme et de bêtise, alimenter toujours plus follement le maelström de la finance sans craindre d’essorer l’économie, et le peuple avec elle. Le peuple ? On ne le voit guère, mais aux fenêtres de l’Elysée, on finira par l’entendre, quand s’annoncera enfin son grand retournement… Un spectacle chanté façon Opéra de 4 milliards de sous...
En 2014, c'est Bienvenue dans l'angle Alpha, d'après Capitalisme, désir et servitude, de Frédéric Lordon. C’est notre histoire à tous: celle de notre rapport passionnel au travail. L’histoire de ces pulsions qui nous capturent et nous fixent dans le travail, dans le salariat, dans l’entreprise, et dans le néolibéralisme - alors que, peut-être : la vraie vie est ailleurs ? Il reste encore, en chacun, un désir propre, faisant écart aux commandements du désir maître ; cet écart, cette résistance possible, nous l’appellerons : l’angle Alpha. Et nous y danserons.
Bienvenue dans l'angle Alpha, © Raphaël Schneider
Amargi, © Stéphane Burlot
En 2016, la compagnie ADA crée Amargi, un spectacle épique et ludique sur la dette et la monnaie. Notre société croule sous les dettes, privées ou publiques ; chaque individu est hanté par le souci d'accéder à la monnaie, pour assurer sa subsistance... L'angoisse monétaire pèse ainsi sur la totalité de nos existences. Pourquoi la dette est-elle devenue ce piège fatal ? Comment reprendre la main sur la création monétaire ? Le spectacle traverses les époques, rebondit par dessus les chausses-trappes, joue avec des balles, des cerceaux, des perruques... pour enfin lever l'inhibition qui nous tient médusés devant l'horreur de l'argent.
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Saccage, de Judith Bernard, par la cie ADA-Théâtre, @Thomas Geffrier
Saccage, de Judith Bernard parvient sur scène en 2020. De la fac de Vincennes à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en passant par d'autres espaces plus ténus ou plus lointains, on explore les enclaves où s'expérimentent des formes de vie alternatives, comme autant de brèches dans l'ordre bétonné du monde. Dans ces poches d'air, l'avenir s'invente, à tâtons et sans garde-fous, jusqu'à ce que le pouvoir s'émeuve de leur inquiétante persistance. C'est alors qu'il procède au saccage. A coups de tractopelles, de policiers et de blindés, il entreprend d'éradiquer ce qui n'osait qu'une chose (l'affirmation d'une alternative), et nous apprend ceci : déclarer la pluralité des mondes possibles revient à faire la guerre au pouvoir.
Autrice, metteuse en scène et comédienne, elle a fondé la compagnie ADA-Théâtre en 2003. Agrégée de Lettres Modernes et docteure en Etudes Théâtrales, c'est en tant que responsable de l'atelier théâtre de l'Ecole Normale Supérieure qu'elle a signé ses premières mises en scène, avant de poursuivre dans l'univers du théâtre universitaire à Lyon II (deux sélections au festival Inter'Universitaire de Nanterre Amandiers). Dans le cadre de sa thèse, elle a assisté le travail des metteurs en scène Jean-Pierre Vincent et Philippe Vincent, avant de fonder à l’occasion de son retour à Paris sa propre compagnie, exclusivement consacrée au théâtre contemporain. Elle y met en scène en 2003 Top Dogs, d’Urs Widmer, à Gare au Théâtre (Vitry-sur-Seine), puis elle écrit et met en scène Domino, au Théâtre Berthelot (Montreuil), ainsi que Cabaret Beau Joueur, au Théâtre Montmartre Galabru (Paris 18), au Vallon (Mauves-sur-Loire), et au Vingtième Théâtre (Paris 20). En 2012 elle assure la création de D’un retournement l’autre, de Frédéric Lordon, au Théâtre Montmartre Galabru (Paris 18) et à l'Espace Alya (Avignon). En 2014 elle écrit et met en scène Bienvenue dans l'angle Alpha, d'après Capitalisme, désir et servitude de Frédéric Lordon, au Théâtre de Ménilmontant (Paris 20), repris à la Manufacture des Abbesses, au Metullum (Melle), et au Tremplin de Dison (Belgique) : cette pièce a fait l'objet de 45 dates. En 2016, elle écrit et met en scène Amargi!, qui fait l'objet de 70 dates à la Manufacture des Abbesses et au festival "La Belle Rouge" (Puy de Dôme). Saccage est brièvement créée en 2020 à la Manufacture des Abbesses, entre deux confinements, puis longuement reprise en 2021. Les pièces Bienvenue dans l’angle Alpha, Amargi et Saccage, sont publiées en un volume aux éditions Libertalia sous le titre Saccage et autres pièces. Parallèment à ces activités théâtrales, elle enseigne l'analyse d'image en BTS audiovisuel, et dirige le site Hors-Série, qui produit et diffuse des entretiens filmés avec des intellectuels critiques contemporains.